jeudi 03 octobre 2024

E comme EMDR

 

Un peu considérée ces derniers temps comme la révolution dans le traitement post-traumatique, cette méthode crée la controverse.
Pour certains, elle tient du miracle, pour d’autres quasiment du charlatanisme. La réalité est beaucoup plus nuancée.
État des lieux.

EMDR est l’abréviation de Eye Movement Desentitization and Reprocessing. Cette technique innovatrice est utilisée par un nombre croissant de thérapeutes dans le traitement des traumatismes psychologiques. C’est « la » méthode qu’il faut avoir essayé ! Revers de la mode ; un peu à tort et à travers…

L’incroyable succès du livre de David Servan-Schreiber, Guérir (éd.), qui met en avant l’EMDR, est à l’origine de cet engouement. « Le problème, c’est que du coup le public en a quasiment retenu une méthode-miracle », regrette Corinne Pottiez, psychothérapeute, spécialisée en EMDR, formée par le BIPE (Belgian Institute for Psychotraumatologie & EMDR), organisme belge agréé par la créatrice de la méthode, Francine Shapiro.

Il faut savoir que, d’une part tout le monde ne développe pas des syndromes post-traumatiques suite à un choc ou événement douloureux (ou PTSD, Post Traumatic Stress Disorder). D’autre part, que ce n’est pas adapté à tous types de troubles psychologiques. Enfin, cette méthode – très étudiée scientifiquement actuellement grâce, il est vrai, à son étonnante efficacité – nécessite expérience et professionnalisme des thérapeutes, pour encadrer comme il se doit le patient. Patient qui peut re-contacter une souffrance et y réagir. D’où le problème des formations « sauvages » s’adressant au tout venant…

Mode d’action
Selon les cas, cette technique s’inscrit dans un panel thérapeutique plus large et ne sera qu’un outil parmi d’autres. Sachez également qu’elle a eu une vie avant David Servan-Schreiber…

C’est à la fin des années 1980 que Francine Shapiro, docteur en psychologie aux États-Unis, a développé cette méthode désarmante de simplicité. L’histoire veut, qu’atteinte d’un cancer du sein, elle se soit rendue compte que ses angoisses diminuaient en balade lorsqu’elle bougeait régulièrement les yeux pour regarder à gauche, à droite. Intriguée, elle a étudié ce curieux phénomène et s’est dit que si ça marchait sans stimulation réelle de l’extérieur, cela marcherait encore mieux si elle bougeait les doigts devant les yeux. Elle a notamment travaillé avec des vétérans de la guerre du Vietnam.

Comment cela marche-t-il ? « Grâce à une stimulation bilatérale, explique Corinne Pottiez, soit des mouvements des yeux de gauche à droite et de droite à gauche (ou un autre type de stimulation bilatérale comme le tapotement en alternance main gauche main droite) et à un travail de restructuration positive (une action sur une pensée négative), l’EMDR permet une désensibilisation au traumatisme et donc, une nette diminution des symptômes désagréables.

En résumé, c’est un traitement  durant lequel le thérapeute incite le patient à faire des mouvements oculaires horizontaux pendant que celui-ci pense à un souvenir traumatisant. » Côté action et efficacité, plusieurs hypothèses coexistent. Épinglons celle du « réflexe d’orientation » : quand une personne arrive dans un auditoire en retard, tout le monde la regarde. En quelque sorte, ça relâche l’attention…et la tension.

Avec l’EMDR, on « distrairait » la personne de son traumatisme, on la relaxe, on la relâche et c’est ce qui permettrait le retraitement et l’info adaptative. En effet, le stress post-traumatique agit dans la mauvaise intégration d’une information au niveau cérébral. Avec cette méthode, le cerveau peut faire le travail qu’il n’avait pas pu faire. Couramment évoquée également, l’hypothèse « REM » (Rapid Eyes Movement) ; ces mouvements qui surviennent durant la phase de sommeil paradoxal permettent l’intégration des souvenirs. Avec l’EMDR, on n’est pas en phase REM, mais on crée une stimulation similaire, qui permet le retraitement et l’intégration.

En pratique
L’EMDR s’adresse à deux types de traumatismes. Traumatismes uniques : accident, catastrophe naturelle, viol, agression, braquage… Et d’autres, plus répétitifs : maltraitance, abus sexuels, phrases « assassines » des parents, harcèlement moral,… Mais aussi, deuil, divorce, rupture …

D’une manière plus générale, pour toute personne qui a développé une image négative d’elle-même. Concrètement, le thérapeute se place à côté du patient. La séance démarre par la création d’un lieu de sécurité symbolique – réel ou imaginaire, où le patient pourra se « réfugier » en cas de nécessité. Par exemple, un refuge en pleine nature, au pied d’un arbre. Pour plus de sécurité, le thérapeute invite à y retourner (en imagination !) plusieurs fois.

Une fois assuré de votre calme intérieur, le thérapeute suggère de partir d’un souvenir précis lié au traumatisme : image, odeur (par exemple d’essence pour quelqu’un qui est resté bloqué dans sa voiture accidentée), son, sensation corporelle… Le patient se concentre dessus et le positionne sur une échelle de stress. Puis, commencent les mouvements oculaires, qui permettent de désincruster le souvenir et de retraiter cette information « mal traitée ». Mouvements régulièrement interrompus pour que le patient puisse exprimer ce qu’il vit, ressent et où il en est à présent sur l’échelle de stress (d’autres souvenirs peuvent surgir).

Après la phase de désensibilisation commence l’installation d’une cognition positive (au niveau cognitif & corporel). Il faut savoir que la désensibilisation n’arrive pas toujours à se faire une séance.

Carine Anselme

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