L comme Liberation | CULTURE BIEN-ÊTRE
jeudi 05 décembre 2024

L comme Liberation

Libération : n.f (latin liberatio de liberare, delivrer).
Action de rendre libre une personne prisonnière.
Action de mettre fin à la sujétion atteint un groupe.
Cessation d’une contrainte qui fait éprouver
un sentiment de liberté. ( le Petit Larousse)

Le mouvement de libération des femmes semble être à l’image de l’éternité… un mouvement perpétuel. Pendant que de ce côté-ci de la planète, les femmes ont « gagné » de multiples batailles, ailleurs elles doivent continuer à se battre dans l’ombre ou la lumière, souvent au péril de leur vie et de leur liberté, pour …tout simplement…exister.

Morceaux choisis de « Les femmes en avocature, une belle aventure »
un chapitre de l’ouvrage collectif  » Avocats le verbe et la robe »
une histoire des femmes avocats qu’on a encore du mal à appeler…avocates…

Les avocates prennent la barre

«  La révolution du 14 juillet 1789 appartient aux hommes. Les hommes ont pris la Bastille…la révolution du 6 octobre…appartient surtout aux femmes… les femmes [réclamant du pain] ont pris le roi » (Michelet). Deux siècles plus tard, c’est une autre révolution tout aussi discrète et bien réelle que les femmes ont mis en marche. Elles prennent la Justice « à bras le corps ». Ce corps judiciaire encore récemment sous la domination masculine, à l’instar des autres grands lieux de pouvoir, se féminise de manière exponentielle. Les magistrats sont majoritairement des magistrates et les avocats doivent composer avec une moitié de femmes. Que s’est-il passé entre une Déclaration universelle des droits de l’homme qui oublia les droits des femmes et ce monde nouveau qui s’avance ? Si on peut sourire, pour ce qu’il est, du mot du poète qui chante que « rien n’est plus beau que les mains d’une femme dans la farine », on doit reconnaître que la Justice aux mains des femmes est une autre « belle » affaire ! Une affaire de société où les femmes, s’échappant petit à petit de leurs fourneaux, ont décidé de donner à leur vie une autre densité, une autre beauté…[…]

La femme du 20eme siècle, cette inconnue qui se dévoile
Le 26 août 1970 un groupe de femmes se rendent sous l’Arc de Triomphe de Paris, et déposent, en signe de revendication des droits de la femme, une gerbe sur la tombe du soldat inconnu. Arrestations, manifestations, création du Mouvement de Libération de la Femme ( MLF)…l’évolution des droits des femmes est en marche : loi de décembre 1972 sur l’égalité des salaires, celle de 1975 sur l’avortement, puis 1985 pour une gestion commune et non plus maritale des biens du ménage et l’égalité du père et de la mère dans l’exercice de l’autorité parentale. C’est avec le nouveau siècle qu’une loi décrète la parité dans les milieux politiques ( loi du 6 juin 2000) et qu’une autre autorise la transmission du nom de l’un ou l’autre parent à l’enfant ( loi du 4 mars 2002). Les femmes sont de plus en plus nombreuses à accéder à des métiers qualifiés et toute une partie du paysage judiciaire va se féminiser.[…]

Que des avocates…n’en comptez plus !
Pendant que le corps de la magistrature ne cesse de se féminiser (la proportion de femmes magistrats passe de 28,5 % en 1982 à 50,5 % en 2001), celui de l’avocature prend le même chemin : alors qu’en 1990 les avocats représentaient encore plus de 60 % de la profession, l’effectif des avocates a augmenté de 51 % en 9 ans entre 1997 et 2007 et représente à cette date 49,4 % de l’effectif total de la profession. Elles sont 24.174 en 2008 ( sur un total d’avocats de 48461 soit 49,9 %), et les projections qui sont réalisables à partir des actuelles préparations au diplôme d’avocat permettent de penser que dans moins de 3 ans les femmes pourraient représenter plus de 60 % de la profession.[…]

Allaiter ou plaider, faut-il choisir ?
« Le travail fait l’homme »… c’est bien connu. Et la femme, qu’en fait-elle ? Que penser de l’image médiatique véhiculée par l’ancienne Garde des Sceaux, Rachida Dati, sortant de la clinique au 5eme jour de son accouchement toute pimpante, magnifiquement maquillée, coiffée, manucurée et se dirigeant sans attendre vers ses fonctions plutôt que dans la préparation des biberons ? Est-ce là le signe fort d’une tendance qui copie le modèle contraire un exemple que peu de femmes «  au travail » et désireuses d’avoir des enfants ou déjà mères ont envie de suivre ? Le dilemme famille/travail est né de l’éclatement de ce cloisonnement entre l’univers public, masculin où le monde du travail était un monde d’hommes, et le monde privé, celui de la maison, donc des femmes….[…]

Plaider la cause des femmes
Interdit depuis une loi de juillet 1920 sous peine d’amende et d’emprisonnement, l’avortement devient, sous la régime de Vichy, en 1941 un crime contre la sûreté de l’Etat. Marie-Louise Giraud – la « faiseuse d’anges » – est arrêtée pour avoir aidé des femmes à interrompre des grossesses non désirées. L’Avocat Général n’hésite pas, pour requérir la peine la plus exemplaire, la mort de l’accusée, à déclarer que « l’avortement est nuisible à l’unité du pays, à l’État et au peuple français ». La demande de grâce présidentielle formée par son avocat sera refusée par le maréchal Pétain (alors que tous les présidents de la IIIe République ont accordé leur grâce aux femmes faisant l’objet d’une condamnation à mort), et Marie-Louise Giraud condamnée à avoir la tête tranchée, sera exécutée le 30 juillet 1943. Il faut attendre la vague contestataire de mai 68 pour que le mouvement féministe pour l’avortement et la contraception se consolide et s’élance pour un septennat de combat avec des milliers de voix de femmes (15.000 adhérentes au MLAC- Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception en 1974) dont certaines ne manquent pas ni d’audace, ni de déterminisme, ni semble t-il de «  pectus » ! Gisèle Halimi et l’association « Choisir » fondée en 1971 avec Simone de Beauvoir, Monique Antoine, membre du collectif d’avocates du procès de Bobigny et première présidente du MLAC ont, avec bon nombre d’autres femmes, avocates mais aussi médecins, professeurs et simples militantes de l’ombre, contribué à la promulgation de la loi de janvier 1975 dite Loi Veil où l’avortement partiellement dépénalisé est dorénavant nommé «  interruption volontaire de grossesse ».[…]

Une plaidoirie qui commence par un aveu
En avril 1971 un manifeste dit manifeste des « 343 » est publié dans le Nouvel Observateur. Il expose qu’« un million de femmes se font avorter chaque année… dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées.. je déclare que je suis l’une d’entre elles. Je déclare avoir avorté…nous réclamons l’avortement libre ». Suivent 343 signatures de femmes célèbres dont celles de Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Marguerite Duras, Delphine Seyrig, Gisèle Halimi etc. En novembre 1972 s’ouvre au Palais de Justice de Bobigny le procès de Marie-Claire, jeune femme qui s’était faite avortée après avoir été violée à l’âge de 16 ans. Le ton employée par Gisèle Halimi dans les premiers mots de sa plaidoirie donnent .. la mesure de la cause « épousée » par l’avocate : «  Monsieur le Président, Messieurs du Tribunal, il m’échoit aujourd’hui un très rare privilège. Je ressens avec plénitude un parait accord entre mon métier qui est de plaider, qui est de défendre, et ma condition de femme. … si notre très convenable déontologie prescrit aux avocats le recul nécessaire, la distance d’avec son client, sans doute n’a-t-elle pas envisagé que les avocates, comme toutes les femmes, pouvaient aussi avorter, qu’elles pouvaient le dire, et qu’elles pouvaient le dire publiquement comme je le fais moi-même aujourd’hui. J’ai avorté. Je le dis. Messieurs, je suis une avocate qui a transgressé la loi » ( extrait de la sténographie des débats dans Avortement : une loi en procès. L’affaire de Bobigny – ouvrage collectif de Choisir, préface Simone de Beauvoir). Résultat d’audience : relaxe pour la prévenue, suspension de la loi de 1920, et mesure disciplinaire pour Gisèle Halimi ( sanctionnée par une admonestation de la part du Bâtonnier).[…]

Grandir dans la cour des grands
« Il est difficile d’être avocat, encore plus d’être avocat pénaliste, plus dur encore d’être avocate, est encore plus dur d’être a-vo-ca-te pé-na-lis-te ! La clientèle pénaliste est machiste et a des préjugés. Elle pense que pour défendre la liberté, il faut être un homme, de préférence de la cinquantaine avec des cheveux gris mais pas trop car il faut que subsiste l’apparence d’une fougue, qualité qui ne s’accorde pas trop avec la vieillesse ! Les cheveux gris, chez la femme, c’est…moins sexy…alors il faut tout miser sur la fougue ! Les clients aiment les guerriers et si tu es une guerrière, on peut commencer à t’estimer, si tu es virulente, alors tu deviens une avocate ou plutôt un avocat car on dit de toi que tu es « couillue » et là tu entres dans la cour des « grands ». Je n’ai pas eu beaucoup d’efforts à faire pour adopter un comportement masculin car dans la cité des 4000 à la Courneuve où j’ai grandi, je ne fréquentais que les garçons ; non pour me protéger des attaques contre les filles mais je trouvais les jeux de garçons plus intéressants, sauter à la corde était pour moi moins passionnant que jouer aux billes… Pendant longtemps j’ai été une avocate préconisant une défense de « rupture » avec les juges tout en n’ayant jamais contesté l’incontestable. Je pensais aussi qu’il fallait « faire sa voix d’homme » pour être entendue. Avec le temps je gagne en sérénité et je me surprends à plaider  avec une voix douce que je ne me connaissais pas et j’obtiens d’excellents résultats en adoptant cette « voie »…Aujourd’hui je crois bien que j’ai su enlever les « couilles » qu’on avait bien voulu m’attribuer ! Et si je me sens… plus légère, je n’en suis pas moins convaincante, car ce sont les mots qui, eux, ont du « coffre »… enfin du poids ! Mais, en 2009, le plus dur quand on est avocate n’est pas d’être une femme, c’est d’être d’origine étrangère. J’ai vu bien des consoeurs méritantes ne pas trouver de collaboration parce qu’elles ont un nom ou prénom à consonance étrangère. Mais çela…c’est un autre problème... »( Marie-France Meslem, avocate au barreau de Paris) […]

Avocates de tous pays…. Unies
Dans d’autres prétoires, à l’autre bout de la planète, elles s’appellent Chirine Ebadi – avocate iranienne défendant activement les droits de l’homme, prix nobel de la paix en 2003-, Cherry Kingsley – avocate américaine qui dénonce et combat l’exploitaiton sexuelle commerciale des enfants-, Shadi Sadr -avocate iranienne fondatrice du mouvement Zanan-e Iran ( Femmes d’iran)-, Asma Jahangir -avocate pakistanaise spécialisée dans la défense des femmes et des minorités, Carla Del Ponte -avocate suisse ayant lutté contre la criminalité organisée et le trafic de stupéfiant, devenue Procureur en chef du Tribunal Pénal International et chargée de l’instruction des dossiers et des poursuites contre les auteurs de violations graves du droit international humanitaire commises en ex-Yougoslavie…[…]

Il y en a bien d’autres, des connues et des moins reconnues, qui, à leur manière, avec leur culture et leur personnalité font avancer non seulement le monde des femmes, mais le monde tout court, où les droits les plus fondamentaux de l’existence humaine sont encore ignorés, bafoués, mis à l’épreuve du temps et des combats quotidiens d’hommes, de femmes, d’enfants. […]

Toutes ces avocates, d’ici et d’ailleurs, ne cessent, non sans mal, mais avec une incroyable énergie, de faire entendre, à travers leur voix de femmes, celle de l’humanité.

(«  Avocats le verbe et la robe » ouvrage collectif, Ed Prat
extraits de «  les femmes en avocature, une belle aventure » eve François)

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