MY PERFECT DAY by Carine Anselme

Journaliste spécialisée dans le domaine du bien-être, animatrice d’ateliers du même nom, fervente pratiquante de la pensée positive… je n’en suis pas moins… une humaine imparfaite ! Il arrive que certains jours…le gris du ciel entre dans mon cÅ“ur, mon corps n’est pas épargné par des tempêtes, et ma tête est parfois chavirée par de sérieuses vagues à l’âme . Alors je me suis mise au défi de vivre 24 heures chrono d’une vie au «plus-que-parfait». Venez-voir …
Je l’avoue: je suis une hypocrite. Depuis 15 ans, j’écris articles et livres sur la santé au naturel, mais je suis un cordonnier mal chaussé. Certes, je pratique le yoga, je mange sainement, je randonne régulièrement, je communique sereinement, je respire (heureusement!) consciemment, mais rarement tout en même temps, ni même quotidiennement. Il m’arrive bien d’être compulsive et de cumuler stages de ressourcement et pratiques de bien-être, poussée dans mon addiction par mon métier. Mais là encore, le mieux est parfois l’ennemi du bien… Pour ma défense, je dirais qu’en matière d’hygiène de vie les injonctions sont innombrables et fréquemment contradictoires (alors, le poisson: bon ou poison pour la santé?). En outre, comme mes contemporains, j’ai aussi peu de plages désertes dans mon agenda qu’un mois d’août sur la Costa Brava. Pourtant, je suis techniquement bien armée pour arriver à la sérénité… je décide de relever le challenge … durant un jour, je vais suivre scrupuleusement les conseils pour une vie saine que je distille dans les pages de mes livres et articles de magazine !
22h30 J-1
Préam-bulle. Non que je compte buller demain -maximiser le bien-être sur une journée, c’est du travail- mais je prépare ma bulle: cette parenthèse où je pourrai fermer les écoutilles pour m’éloigner de la fureur du monde et cultiver des graines de sérénité…avec la bénédiction qui plus est de ma rédactrice en chef. L’écueil est d’arriver à être tout au long de cette expérience et non à faire une succession d’activités, fussent-elles profitables. Je zappe l’émission télé du soir -la vie n’est que choix- pour aller dormir avec les poules et boucler les 7 à 8 heures de sommeil recommandées pour une vitalité au top. J’ai beau compter les moutons, mon horloge interne est jetlaguée. Croyant voir un message subliminal dans ce coucher prématuré, mon compagnon me rejoint. En guise de mise en bouche pour ce marathon bien-être, nous révisons notre Kâmasûtra. Cela rallonge notre espérance de vie…mais cela raccourcit notre nuit. La perfection n’est pas de ce monde.
6 h
Le jour s’est levé/Sur une étrange idée/La vie n’est qu’une journée… Après le lever du soleil «naturel» de mon simulateur d’aube, je philosophe au creux du lit: c’est aujourd´hui que ça se passe. Pas seulement l’objet de cet article, mais tout simplement la vie. Le fil rouge de cette journée particulière m’est soufflé par le maître Zen Taisen Deshimaru: «Tu dois te concentrer et te consacrer entièrement à chaque jour comme si un feu faisait rage dans tes cheveux.» Sans pousser le dévouement à la cause jusqu’à embraser ma crinière, je décide solennellement de faire chaque chose comme si je ne faisais rien d’autre.
6 h 15
Sortir les griffes. N’y voyez aucune rébellion. Après ma traditionnelle salutation au soleil yogique (bien qu’il pleuve, mais je ne suis pas rancunière…c’est mieux pour mon karma), je fais du syncrétisme en enchaînant sur du Qi Gong. Cet «entraînement de l’énergie vitale» promet souplesse, longévité et santé. Cela vaut bien quelques enchaînements: «Sortir les griffes et étirer les ailes», «Le guerrier dégaine son sabre» (non, ce n’est pas ce que vous croyez), «Cueillir les étoiles», «Tirer la queue des 9 buffles»… Rien qu’à l’énoncé poétique des exercices, mon Chi se sent tout ragaillardi. Et la lenteur des mouvements me ramène au présent. Je termine sur «battre le tambour céleste», chouchou des moines taoïstes: paumes de main à l’horizontale sur les oreilles, doigts posés sur l’arrière du crâne, les index viennent percuter doucement la base de l’occiput. Cette «percussion» renforcerait le système nerveux. Apparemment, ça ne calme pas la faim.
7 h
Tutti frutti. Voilà 60 minutes que cette journée a commencé, il est donc grand temps de m’attaquer aux recommandations de l’OMS et sa litanie de 5 fruits/légumes quotidiens (et plus si affinités). Je glane une recette simplissime de «mousse (crue) de pomme à la noisette et au miel» dans Vitalité Gourmande de Françoise De Keuleneer et Pol Grégoire (éd. Françoise Blouard), bible de l’Alimentation Vive. Le miel offre une alternative intéressante au sucre blanc et associé à un oléagineux, comme c’est le cas ici, il ne provoque pas d’élévation brutale du niveau de glucose dans le sang. Je devrais donc avoir la pêche toute la matinée! Pour me mettre dans l’ambiance, j’écoute Perfect day de Lou Reed… En tout cas, ça a bien démarré.
8 h
Nager entre deux eaux. Lors de mes ablutions matinales, cruel dilemme: dois-je suivre ma conscience écologique et prendre une douche ou répondre à ma quête d’harmonie et opter pour un bain relaxant? Question d’époque, le vert l’emporte. Sous la douche, je visualise grâce aux pouvoirs de mon cerveau droit une cascade exotique pour obtenir l’effet ressourçant escompté. Je me savonne avec la Crème de Douche à la Grenade (aux huiles essentielles de santal, néroli et davana) de Weleda. Mmmmh…!! À ses vertus antioxydantes viennent s’ajouter des ingrédients 100% naturels cultivés en biodynamie, une méthode d’agriculture biologique qui conçoit la terre en lien avec le cosmos. Par le miracle d’une simple douche, me voici donc reliée aux mystères de l’univers… Je me drape dans une tenue bio signée Ekyog, fluide comme mon emploi du temps.
8 h 30
Matin (vraiment) magique. Dans ma boîte mail, un précieux cadeau: le «Matin Magique» de Marie-Pier Charron, coach québécoise (www.matinmagique.com). Jour après jour, ses réflexions inspirantes, telles des mantras, permettent de garder le contact avec l’essentiel et le «bright side of life». Nous sommes presque 100 000 matins-magiciens sur la planète à suivre ces chroniques. Je m’efforce de les lire chaque matin, mais souvent je n’y suis pas complètement, l’esprit zappant déjà sur la todo list du jour. Je m’immerge cette fois intégralement et ce «Matin Magique» entre en résonance avec ma réalité du jour. Extrait: «Notre premier réflexe est souvent de vouloir remplir le vide, de tenter de modeler rapidement ce qui n’est pas encore formé. On veut tellement savoir où l’on s’en va que l’on se projette dans le résultat. On étouffe la vie ainsi, bien souvent… C’est lorsqu’on est prêt à tout -optimiste, mais complètement ouvert- que la magie opère.» Je lâche prise et décide de me laisser porter par les envies qui fleuriront au cours de cette journée.
9 h
Off. Je débranche: Internet, ordinateur, GSM, téléphone fixe. Simple principe de précaution pour lutter contre les ondes électromagnétiques, dont on ne sait pas à quelle sauce elles vont nous manger. Au secours: au bout de quelques de minutes, mes mains tremblent. Serait-ce déjà le manque? Et si mon homme me téléphonait (ce serait bien la première fois en pleine journée…et justement, s’il le faisait aujourd´hui?!). Pour faire diversion, je chante à tue-tête «Résiste/Prouve que tu existes/Ce monde n’est pas le tien…» et je m’attaque au ménage, pratique zen de pointe.
9 h 15
Nettoyer le four en écoutant Joe Cocker. Bon, mon four est propre et je n’aime pas Joe Cocker, mais c’est Jon Kabat-Zinn, le pape de la Mindfulness (La Pleine Conscience) qui partage son expérience d’une «enfilade de moments présents» (sic) vécue en nettoyant son four. Dans Où tu vas, tu es (éd. J’ai Lu), il l’explique: je peux à la fois me perdre et me retrouver en effectuant une telle routine. «C’est une occasion rare et opportune d’exercer la pratique de la pleine conscience», dit-il. Il ne serait pas contredit par les moines zen qui résument leur pratique spirituelle par: «Coupe du bois, porte de l’eau.» Je fais donc mon ménage (au bicarbonate de soude, of course) en écoutant Johnny Cash, comme une méditation en mouvement. Qui plus est, mettre de l’ordre, c’est Feng Shui: cela permet au Chi (encore lui) de circuler harmonieusement dans notre home sweet home. Sans compter que la Mindfulness est reconnue scientifiquement pour réduire le stress. La sagesse à la pointe du plumeau: ça vous en bouche un coin, non?
10 h
Changer d’habitude. Je décide de travailler, car c’est aussi au creux du quotidien que je souhaite insuffler un supplément d’harmonie. Actuellement, j’en ai «plein le dos» de l’ordinateur… J’opte donc pour la bonne vieille écriture au stylo dans l’un de ces carnets qui ne me quittent jamais. Lovée dans le canapé, ma plume s’envole en relatant les premières heures de cette expérience. Rien à voir avec le vertige de la page blanche qui me saisit souvent! L’effet conjugué de Taisen, Pol, Marie-Pier, John et consorts? Et si simplement ce rythme, ponctué de souffle, était plus inspirant que l’habituelle course contre la montre?…
11h30
Emballé, c’est pesé! Direction, le marché. Ainsi, j’agis dans le sens d’un développement durable: j’achète près de chez moi des aliments locaux et de saison, je mange varié et frais, tout en favorisant les échanges équitables entre producteurs, marchands et clients. Bien sûr, j’y vais à pied. Le soleil pointe son nez entre deux averses: cela me permet (tout juste) d’obtenir les 15 minutes d’exposition solaire nécessaire pour fabriquer de la vitamine D, protégée par l’IP50 de mon écran anti-âge. Je résiste aux sacs plastiques que me tendent les marchands. En lieu et place d’un banal cabas, je sors de mon sac un furoshiki. Ce solide foulard, que j’ai appris à nouer selon les techniques japonaises ancestrales, permet de tout empaqueter et porter (techniques de nouages sur http://raffa.grandmenage.info). Plus beau que les sacs recyclables, il est aussi plus pratique, car il se glisse dans les (rares) interstices de nos besaces de femmes. En nouant maladroitement mon furoshiki sous son nez, je fais rire le marchand de légumes qui me rappelle que chez nos paysans on appelait ça la «malle à quatre nœuds».
13h
Slow. Plutôt que d’opter pour un repas en solo, je rejoins la table d’hôte des Filles, Plaisirs Culinaires (www.lesfillesplaisirsculinaires.be). Si la solitude est essentielle au recentrage, le lien social est nécessaire pour notre équilibre émotionnel, me dis-je avec philosophie. Le lieu est labellisé Slow Food, l’ambiance est conviviale et les aliments sont d’origine biologique. Surtout, c’est bon! À mes côtés, un chaman d’origine grecque qui œuvre entre la Belgique et l’Amazonie brésilienne (!). Ma soupe de betterave a un goût peu banal, c’est sûr!
15h
La sixième heure. «Le mot sieste vient du latin sixta, qui signifie la sixième heure du jour et qui désigne en fait l’heure du midi chez les Romains. La sieste est donc le repos, accompagné ou non de sommeil, qui suit le repas de midi», explique Bruno Comby, dans Éloge de la sieste (éd. J’ai Lu). Comme ses bienfaits sont nombreux -elle réduit le stress, améliore la mémoire et la concentration, libère la créativité et rééquilibre le fonctionnement nerveux- et qu’aujourd´hui je reçois l’absolution de mes péchés, je plonge avec délice dans la paresse. Pour vingt minutes, temps réglementaire de la sieste idéale.
15 h 30
Mozart au Japon. Je passe du lit au fauteuil, où je déguste Manabé Shima de Florent Chavouet (éd. Picquier). Ce carnet de voyage pas comme les autres nous croque la vie quotidienne d’une île de la mer intérieure du Japon. C’est tellement drôle que je ris de bout en bout…et ça, c’est bon pour la santé! Le rire provoque un massage intérieur qui tonifie les organes et stimule les défenses immunitaires. J’y adjoins l’effet Mozart, en écoutant l’Allegro Con Spirito de la Sonate pour Deux Pianos en Re Majeur K448, recommandé par la méthode Tomatis pour renforcer l’activité cérébrale. N’en déplaise à Wolfgang Amadeus, comme les détracteurs de cette méthode affirment que n’importe quelle stimulation musicale agréable peut produire un état émotionnel rendant temporairement le sujet plus réceptif, je passe de Mozart à M.
16 h 45
Singing in the rain. Courageusement, je me couvre d’une Gore-Tex® écologique pour aller pratiquer de la marche consciente…mais ma conscience, elle, ne pousse pas sa mission jusqu’au masochisme. Elle n’aime pas la pluie, na! Un bon thé chaud réconfortera mes chakras ruisselants.
17 h 15
Thé(o)phile. Je me confesse : j’aiiime les salons de thé et leur ambiance feutrée. J’y puise au calme pour écrire et me ressourcer. Aujourd´hui, au Tea for Two (Chaussée de Waterloo 394, 1060 Bruxelles), j’opte pour un Hojicha, un thé vert torréfié japonais, où se mêlent saveurs boisées et notes iodées. Naturellement antioxydant, il convient bien au prélude du soir, en raison de sa faible teneur en théine. Et il aide à éliminer…
18 h 30
Tout cru. Un petit creux vient me rappeler ma nature terrestre. Plutôt que de me jeter sur le premier en-cas industriel venu, je craque pour une savoureuse nouveauté: des Gourmie’s. Concoctées artisanalement par Claudie Botté, ces barres bio et «raw food»*, déshydratées à moins de 41°, sont sans gluten, sans produits laitiers, sans sucres ajoutés…mais avec du goût! J’ai un faible pour Rêverie orientale, au sésame et à la fleur d’oranger et Tendresse acidulée, citron et amandes. *Alimentation crue pour garder intacte la vitalité des ingrédients
19 h
Le téléphone rit. Je fais une exception en rebranchant mon téléphone pour appeler une amie «soleil». Les recherches menées par la psychologie positive ont démontré que le bonheur était contagieux. Je me laisse volontiers contaminer par son rire. J’en profite pour mettre en pratique une autre découverte de cette «science du bonheur»: je lui exprime ma reconnaissance, la joie qu’elle soit dans ma vie. C’est un fait avéré: exprimer sa gratitude et remercier autrui nous rend objectivement heureux et vient donner du sens à notre vie. Nous voilà toutes les deux le cœur en fête…et en bonne santé!
19 h 30
Bien dans ma peau. Pour une fois que j’ai le temps, ou plutôt que je le prends, je me concocte un Soin réparateur à la Rose de Damas, à base d’huiles essentielles de Rose, de Sauge sclarée, de Tanaisie annuelle, de Myrte vert et d’huile végétale d’Onagre et d’Argan (recette précise, voir Pour une cosmétique intelligente, Dominique Baudoux, éd. Amyris). Je glisse quatre gouttes de cette synergie précieuse dans ma crème bio à la Rose ….et ma peau voit la vie en rose!
20 h
Menu kawaï. Comme il est recommandé de manger léger le soir, je cuisine sainement à la mode d’Okinawa en préparant des bento. Ces lunch box japonaises sont entrées dans nos moeurs: pratiques et esthétiques, elles permettent de composer un repas varié, coloré, avec de petites quantités, gage de longévité. Les Okinawaïens, qui détiennent le record planétaire de centenaires, consomment en moyenne 20% de calories en moins que les Occidentaux, ce qui a une incidence sur leur poids et leur santé car plus on consomme de calories, plus on fabrique de radicaux libres, responsables du vieillissement cellulaire. Dans mes bento (inspirés en partie de Mes petits bento, de Laure Kié, éd. Marabout): des makis de courgette au chèvre frais, du saumon teriyaki au sésame à peine saisi, un tartare d’algues wakamé, du riz et un mini cake au thé vert matcha. Mon homme, 1m92 de muscles (et d’estomac!) ne trouve pas ça kawaï du tout. Et me dit d’un air faussement détaché: «C’est bien ton entrée…» L’égalité des sexes n’est pas encore d’actualité dans la quête du bien-être.
22 h 30
Inventaire. Je clos ces 24 heures chrono de challenge comme je les ai commencées: dans mon lit. Pour terminer en beauté, je réalise mon examen de conscience de cette journée: 7 portions de fruits et légumes; 75 minutes de rire; un Chi au top; un équilibre émotionnel solide; une faible émission de CO2; une maison propre… Faire ainsi le bilan quotidiennement permettrait de relâcher la pression pour dormir sur ses deux oreilles, disent les spécialistes du bien-être. Je n’ai guère le temps de compter les moutons. Je m’endors…sans avoir eu le temps cette fois de réviser le Tantra.
Et pour vous… c’est quand votre « perfect day » ?